Adoption de la loi portant interception de certaines communications émises par voie électronique au Niger : AfricTivistes condamne et exige une seconde délibération
Le vendredi 29 mai 2020, l'Assemblée Nationale du Niger a adopté la loi sur “l'interception de certaines communications émises par voie électronique”. AfricTivistes pense que cette loi est une menace pour les libertés individuelles sur le territoire nigérien.
En juin 2019 déjà, le vote de la loi sur la cybercriminalité, a contribué à la répression continue et la violation des libertés fondamentales des citoyens. Depuis l'adoption de cette dernière, ce n’est pas moins de dix activistes au Niger qui ont été accablés et incarcérés injustement entre avril et mars 2020. Certains d’entre eux ont été arrêtés après l'interception de leur communication électronique privée.
L’opposition parlementaire a boycotté session parlementaire du 29 mai pour l’examen et le vote de la loi. Selon elle, cette loi prive “les Nigériens et ceux qui vivent au Niger de toute vie privée dans leurs communications” donnant libre arbitre au pouvoir Exécutif de la surveillance totale des communications émises pour des raisons autre que la sécurité ou la lutte contre le terrorisme.
La loi sur l’interception de certaines communications électronique viole l'article 29 de la Constitution nigérienne qui dit en substance: “Le secret de la correspondance et des communications est inviolable. Il ne peut y être dérogé que dans les conditions et les formes définies par la loi, sous peine de sanctions”.
Africtivistes rappelle aux autorités nigériennes que toutes ces deux lois, adoptées dernièrement (en juin 2019 et 29 mai 2020), violent les fondements de la démocratie notamment le droit à la liberté d'expression ou d'opinion ainsi que le secret de la correspondance et des communications garantis par la Constitution Nigérienne.
En outre, Africtivistes craint fortement que les arrestations de cyber-activistes, de journalistes, ou même d’acteurs de la société civile, se multiplient avec l’adoption de cette nouvelle loi qui va constituer une porte ouverte aux dérives.
Depuis un certain temps, sous le coup de la loi sur la cybercriminalité, les cyber-activistes et les membres de la société civile nigérienne sont soumis à des gardes à vue au niveau de la police judiciaire, souvent dépassant le délai légal - puis présentés au parquet ou mis sous un mandat de dépôt en attendant leur comparution en justice. Ils ont pour beaucoup, été mis aux arrêt à cause de simples publications sur les réseaux sociaux.
- AfricTivistes condamne fermement l'adoption de cette loi liberticide qui est contraire à la loi fondamentale du Niger.
- AfricTivistes reconnaît aux États le devoir de lutter contre l'insécurité, le crime organisé et le terrorisme. Cependant, AfricTivistes rappelle que garantir la sécurité et lutter contre le terrorisme doivent se faire dans le plus grand respect des droits humains sans instrumentaliser des lois pour museler les opinions dissidentes de la société civile et des citoyens lambda.
- AfricTivistes invite le président de la République M. Mahamadou Issoufou, à ne pas promulguer cette loi liberticide qui va à l’encontre de la Constitution Nigérienne, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et des standards internationaux.
Le cas échéant, AfricTivistes invite le président de la République nigérienne à adresser une demande motivée à l'Assemblée nationale pour une seconde délibération comme le lui permet l’article 47 de la Constitution dans le but de supprimer/modifier les articles 2 et 16 de la loi.
L’article 2 liste “les personnes, tous de l’Exécutif, pouvant demander une interception de communication”.
Quant à l’article 16, il fait état des sept membres de la Commission Nationale de Contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS): 1 magistrat par le président de la République, 2 députés par le Président de l'Assemblée nationale, 1 magistrat du Conseil d'État par le Premier ministre, 1 officier de la Police par le ministre de l’Intérieur, 1 officier de la gendarmerie par le ministre de la Défense, et 1 magistrat de la Cour d'État par le ministre de la Justice.
A part les deux députés choisis par le président de l’Assemblée nationale, tous les autres membres de la CNCIS sont désignés par l’Exécutif.
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