Voies de Recours et Mécanismes de Plaintes en cas d’abus par des membres des Forces de Sécurité 

En 2019, le Médiateur de la République du Niger et le Centre pour le contrôle démocratique des forces armées (DCAF) ont mené une étude s’inscrivant dans le cadre d’un partenariat mutuel. Elle porte sur la cartographique des voies de recours et mécanismes de plaintes que les usagers des services publics peuvent utiliser en cas d’abus ou d’inconduite de la part du personnel public de sécurité. L'objet résulte d'un constat «  les mécanismes publics de plaintes sont très peu sollicités par les usagers car ils ne savent pas à qui s’adresser et comment procéder…, les voies de recours et les mécanismes de plaintes qui s’offrent aux citoyennes et citoyens. »

Un policier sur une route en Somalie / CC-AMISON / Source : iwaria.com


Le document étant volumineux, je vous propose une séries d'articles sur cette thématique. Le premier se veut de vous familiariser avec certaines définitions clé pour la compréhension dudit thème. 

A qui s'adresse t-il ?

Elle s’adresse plus spécifiquement aux personnes qui sont victimes d’abus ou d’inconduites de la part de membres du personnel de sécurité. Le plus souvent, ces personnes craignent ou ignorent les instruments juridiques et juridictionnels qui sont à leur disposition, et par lesquels elles peuvent porter à la connaissance d’une autorité publique le manquement qui porte atteinte à leurs droits. 
Il s’agit donc de contribuer à l’avènement de l’état de droit en assurant l’accès effectif aux voies de recours et mécanismes de plaintes, et surtout en permettant au public d’exiger des comptes de la part des services et acteurs de la sécurité qui abuseraient de leurs pouvoirs. Toute citoyenne et tout citoyen investi d’une mission de service public ou d’un mandat public doit s’acquitter de ces obligations avec dignité et dévouement. 
Les gouvernés sont donc en droit d’exiger des pouvoirs publics des services de qualité, mais aussi de leur demander des comptes en cas de défaillance ou de manquement. Le fondement légal de ce rapport résulte des lois et règlements de la République, en particulier la loi fondamentale en ses articles 38, 39 et 40 ainsi libellés : 
– Art. 39 —Tout citoyen nigérien, civil ou militaire, a l’obligation absolue de respecter, en toutes circonstances, la Constitution et l’ordre juridique de la République, sous peine des sanctions prévues par la loi.

Art. 40 — Tout citoyen a le devoir de travailler avec dévouement pour le bien commun, de remplir ses obligations civiques et professionnelles et de s’acquitter de ses contributions fiscales.

 – Art. 41 —Les biens publics sont sacrés et inviolables. Toute personne doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de détournement, de dilapidation, de blanchiment d’argent ou d’enrichissement illicite est réprimé par la loi. 

Pour le cas particulier du personnel de sécurité, ces obligations de « bien faire » sont encore beaucoup plus explicites et contraignantes. En atteste l’abondance des prescriptions à ce sujet dans les codes de déontologie, mais aussi dans les statuts des différents corps : 

Le cadre de la Police nationale 

La loi no 2004-003 du 12 janvier 2004 portant statut autonome du cadre de la Police nationale indique, en son article 106 :

 – Les personnels du cadre de la Police nationale sont au service de la nation et des institutions républicaines. Ils doivent les servir avec dévouement, dignité, loyauté et intégrité. Ils sont tenus d’assurer leur mission en toutes circonstances. Outre les obligations générales et particulières, les personnels du cadre autonome de la Police nationale sont soumis aux dispositions d’un code d’éthique et de déontologie adopté par décret pris en conseil des ministres, sur proposition du ministre en charge de la Police nationale, qui détermine les règles de conduite et d’éthique.

Ces règles de conduite et d’éthique sont aménagées par voie décrétale, notamment le décret no 2011-164/PCSRD/MIS/D/AR du 31 mars 2011 portant approbation du Code d’éthique et de déontologie de la Police nationale. Les articles 3 et 8 sont sans équivoque : 

 Art. 3— Tout manquement aux devoirs définis par le présent Code expose son auteur à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale.

 Art. 8— Le fonctionnaire du cadre de la Police nationale est loyal envers les institutions républicaines. Il est intègre et impartial ; il ne se départit de sa dignité en aucune circonstance. Placé au service du public, le fonctionnaire du cadre de la Police nationale se comporte envers celui-ci d’une manière exemplaire. Il a le devoir du respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine , leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques.

Le cadre de la Garde Nationale 

L’ordonnance 2010-61 du 7 octobre 2010 portant statut du personnel de la Garde nationale du Niger indique en ses articles 19 et 24 : 

 Art. 19—Les personnels de la Garde nationale sont au service de la nation et des institutions républicaines. Ils doivent les servir avec dévouement, dignité, honneur, loyauté et intégrité. Ils sont en outre assujettis à des règles particulières en raison du caractère de leur mission. 

Art. 24— Le garde doit, dans son service comme dans sa vie privée, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la confiance du public ou compromettre l’honneur et la dignité de ses fonctions. Il lui est formellement interdit de solliciter ou de recevoir, directement ou par personne interposée, même en dehors de ses fonctions, mais en raison de celles-ci, des dons, gratifications ou avantages quelconques.

 Pour les forces armées, c’est-à-dire les Forces armées nigériennes (FAN) et la Gendarmerie nationale (GN), il faut se référer aux dispositions de l’ordonnance no 2010-75 du 9 décembre 2010 portant statut du personnel militaire des Forces armées. Selon l’article 3 de ce texte :

 – L’état de militaire exige en toute circonstance discipline, disponibilité, loyalisme, neutralité et don de soi pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême.

 – Les devoirs qu’il comporte et les sujétions qu’il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation.

 – Outre les obligations propres à tous les agents de l’État, le militaire est assujetti à des obligations particulières. L’article 4 poursuit en indiquant que : – Le militaire a le devoir sacré de respecter en toutes circonstances la Constitution et l’ordre juridique de la République. 

Le cadre des douanes

 La loi no 2013-31 du 4 juillet 2013 portant statut autonome des agents du cadre des douanes attribue aux douaniers des compétences en matière de sécurité. C’est ce qu’on peut comprendre dans l’article 3, ainsi libellé :

Le personnel du cadre des douanes est chargé :

 – de l’application de la politique du Gouvernement en matière de protection de l’espace économique national et de la perception des droits et taxes exigibles à l’occasion de l’importation ou de l’exportation des produits ou marchandises ;

 – de la recherche, de la constatation et de la répression de la fraude douanière. À cet effet, il est chargé de la conception et de l’exécution des lois et règlements à caractère douanier.

 – Le personnel du cadre des douanes concourt également à l’application des règlementations relatives à la sécurité et à la santé publique. Il assume toutes les missions compatibles avec ses attributions ou qui lui sont confiées par les autres administrations publiques ou parapubliques en raison de son implantation sur le territoire national. 

Le cadre des eaux et forêts

 Les agents du cadre des eaux et forêts font, sans conteste, partie des Forces de défense et de sécurité. La loi 2016-25 du 16 juin 2016 portant statut autonome de ce cadre précise, en son article 8 :

 – Les agents du cadre des eaux et forêts sont des agents de la force publique et font partie intégrante des Forces de défense et de sécurité. Ils sont placés sous l’autorité du ministre chargé des Eaux et forêts. Ils ont également certains pouvoirs de police judiciaire tels que définis par le Code de procédure pénale.

 Ce bref rappel des textes montre un intérêt essentiel de la cartographie : la victime d’un manquement commis par un membre du personnel de sécurité se voit désormais outillée, puisqu’outre la Constitution, ces textes de nature législative et règlementaire peuvent servir de base pour poursuivre et réprimer ledit manquement sur le plan disciplinaire ou pénal, voire les deux à la fois.

Dans les faits, les citoyennes et citoyens n’ont pas facilement accès à ces codes de conduite, voire les ignorent totalement. En signalant ou en rappelant leur existence, cette cartographie a pour but de changer cette situation.

 En somme, l’initiative du Médiateur de la République et de son partenaire, le DCAF, entend sensibiliser ou interpeler chaque acteur : le dépôt de plaintes étant facilité, les citoyennes et citoyens auront désormais la possibilité de faire entendre les violations de leurs droits dont ils auront été victimes. Les agents, quant à eux, apprendront à se comporter conformément au droit.

 À la lumière de ces précisions théoriques, cette cartographie des voies de recours et mécanismes de plaintes en cas d’abus ou d’inconduite de la part de membres du personnel de sécurité s’articule en deux parties. Dans un premier temps, nous définirons certaines expressions pour améliorer leur compréhension, ce qui facilitera l’usage des mécanismes de plaintes. Ensuite, nous dresserons la cartographie en elle-même.

Le prochain article s'articule sur "Voies de Recours et Mécanismes de Plaintes en cas d’abus par des membres des Forces de Sécurité" dont la définition de certains concepts clés.

Source : Voies de Recours et Mécanismes de Plaintes en cas d’abus par des membres des Forces de Sécurité 2019